Le Roi-Soleil s’éteint, les philosophes allument les lustres, la guillotine coupe le courant. C’est le XVIIIsiècle. Un siècle bref : 1715-1789. On découvre qu’en la secouant un tantinet, la pensée peut remplacer la chandelle. L’esprit est inflammable. Frottée contre la bêtise, la cire cérébrale s’allume. Ce nouveau jeu amuse tout le monde. Bientôt, il n’est pas un Français qui ne se remue la cervelle pour y faire naître une étincelle. Le pays scintille, c’est le Siècle des lumières. Mais, ne l’oublions pas, cette période éclairée fut aussi celle des libertins qui, dans le secret de l’alcôve, imprimèrent le mouvement des idées à celui de leur sexe, au grand plaisir des dames. Le Siècle des lumières fut aussi celui de l’abat-jour.

C’est grâce au courrier que les idées se répandirent dans tout le pays. La correspondance fut à la lumière du XVIIIsiècle ce que l’EDF est à celle d’aujourd’hui : un diffuseur.

Voici quelques exemples de lettres qui raconteront mieux que tout discours savant ce que fut cette période qui mit de l’électricité dans l’air.

Merci au musée de la Faute d’orthographe française de nous avoir permis de les publier.

 

Château de La Brède près Bordeaux,
le 10 octobre 1718

 

Lettre de Montesquieu à M. Arouet, dit Voltaire, café Le Procope, Paris

François Marie, mon ami,

Pardonne le tremblement de mon écriture, je viens de goûter ma dernière vendange. Dieu que mon vin est bon, tralalilère, tralalilon ! Prends un coche et accours en boire, après je dirai des contrepets qui te font tant rire et toi tu feras l’idiot Candide pour m’amuser. J’en reprends un gorgeon. Dieu qu’il est bon, tralalilère, tralalilon. Je termine en rimes :

Galope, pour boire mon vin, Voltaire,

Après nous nous roulerons par terre !

Je t’attends à la cave.

MONTESQUIEU

 

Paris, le 17 octobre 1718

 

Lettre de Voltaire à M. de Montesquieu, château de La Brède

Je ne peux pas venir, Charles, je me suis tant bituré hier au Procope qu’on m’a embastillé. Ce n’est que partie remise. À propos, toi aussi, tu as dû en tenir une bonne, mon cochon ! Il fallait vraiment que tu sois plein comme une outre pour m’écrire une lettre en persan ! Continue de t’occuper de ta vigne et cultive ton jardin, on ne sait jamais, des fois qu’il y pousse encore du clairet.

À bien vite.

VOLTAIRE

 

Paris, le 8 juin 1743

 

Lettre de Diderot à M. d’Alembert, Académie royale des sciences, Paris

Jean,

Hier encore, à dîner, mon rôt est tombé sur le sol et le vase qui contient le vin l’a suivi, se rompant le cul. La raison est que ma table est bancale. J’ai eu l’idée de l’équilibrer en plaçant sous le pied trop court un vieux dictionnaire. L’effet est saisissant. La table n’a jamais été si forte et si bien disposée.

Notre siècle, j’en suis sûr, est rempli de tables bancales. Que dirais-tu si nous fabriquions tous les deux une sorte d’encyclopédie pour aider nos compatriotes à manger droit ? Grâce à ta connaissance des mathématiques, tu calculerais la juste mesure des volumes et moi, qui sais quelquefois convaincre, j’irais les vendre. On pourrait gagner facilement quelques sols.

Qu’en penses-tu ?

Ton dévoué,

DENIS DIDEROT

PS. : Le neveu de Rameau est d’accord pour nous aider.

 

Paris, le 10 juin 1743

 

Lettre de d’Alembert à M. Diderot, Paris

Pas con !

D’ALEMBERT

 

*

Ermenonville, le 20 août 1744

 

Lettre de Rousseau Jean-Jacques à M. Jean-Jacques Rousseau, Ermenonville

Mon seul ami,

Plus je me promène solitaire, plus je pense que la nature est bonne et l’homme méchant. Que penses-tu de ma pensée de promeneur solitaire ? Ton promeneur solitaire à jamais fidèle,

JEAN-JACQUES

 

Lettre de Jean-Jacques Rousseau à M. Rousseau Jean-Jacques, Ermenonville

Mon grand ami,

Je viens de recevoir ta lettre alors que je rêvais solitaire dans la nature qui est si bonne. Ce que tu m’écris est juste, beau et vrai. Oui, mille fois oui, la nature est bonne et l’homme méchant !

Et si nous inventions le germe du communisme ? Comme ça, les hommes deviendraient encore plus méchants et tueraient tout le monde, surtout Voltaire qui commence à me les casser avec ses bouquins merdeux qui se vendent mieux que les nôtres.

Je repars rêver solitaire dans la nature qui est si bonne et Voltaire si méchant.

Ton seul ami,

JEAN-JACQUES

 

*

Fontenoy, 11 mai 1745

 

Message du comte d’Auteroche envoyé sur le champ de bataille à Lord Charles Hay

Messieurs les Anglais, tirez les premiers !

COMTE D’AUTEROCHE,

commandant des Gardes françaises

 

Message retourné sur le champ de bataille par Lord Hay au comte d’Auteroche

On veut d’abord savoir ce qu’il y a au bout de la corde.

LORD CHARLES HAY,

commandant le Royal écossais

 

*

Versailles, le 29 mars 1757

Lettre du roi Louis XV
à Mme la marquise de Pompadour,
hôtel d’Evreux, Paris

Ma douce,

Nous avons hier assisté en place de Grève à l’écartèlement de Damiens. Tu sais, ce petit domestique qui m’a coupé le flanc avec son canif en voulant jouer à Ravaillac. Attaché sur une roue, on lui a d’abord versé du plomb dans chacun de ses membres après qu’ils eurent été tenaillés pour en ouvrir la chair. Les chevaux ont ensuite été fouettés et sont partis au grand galop répandre les parties de son corps en quatre directions différentes. Cela a pris en tout une heure et quart. Nous en sommes sortis échaudés et la tête remplie de nouvelles idées pour notre galant rendez-vous de ce soir.

Viens vite.

LOUIS XV

P.S. : Si tu ne trouves pas de tenailles, apporte au moins un marteau.

 

Hôtel d’Evreux, le 30 mars 1757

Lettre de la marquise de Pompadour
à Sa Majesté le roi, à Versailles

Monarque aimé,

Faites mander votre putain la Du Barry pour vous prodiguer ces plaisirs d’ouvriers et accordez-moi la faveur de continuer à vous fouetter avec mes roses.

Votre Cupidone,

JEANNE ANTOINETTE D’ÉTIOLES,
marquise de Pompadour

 

*

Versailles, le 18 février 1756

Lettre de Louis XV au duc
de Broglie en campagne

Monsieur,

Nous avons décidé de faire une guerre de Sept Ans pour qu’elle atteigne l’âge de raison et se transforme naturellement en paix.

LOUIS XV

 

En campagne, le 20 février 1756

Lettre du duc de Broglie
à Sa Majesté le roi de France

Sire,

Votre Majesté est sage dans tout ce qu’elle décide. Permettez cependant à l’un de ses humbles serviteurs de rappeler à Votre Majesté que si elle souhaitait poursuivre son combat contre ses ennemis, les guerres de sept à soixante-dix-sept ans peuvent être follement amusantes pour la jeunesse.

LE DUC DE BROGLIE

 

*

Ajaccio, le 16 août 1769

Lettre de Letizia à Charles Bonaparte,
en voyage en Corse du Sud

Cher époux,

J’ai le bonheur de t’annoncer la naissance de notre deuxième fils. Je l’ai mis au monde hier. Il se porte bien et je suis en bonne santé. Pourvu que ça dure ! Tout irait bien, comme tu vois, si ce n’est que j’ai oublié comment tu voulais l’appeler.

Écris-moi vite le prénom que tu lui as choisi : je ne voudrais pas que cet enfant restât anonyme trop longtemps.

Ton épouse qui t’aime,

LETIZIA

 

Corse du Sud, le 19 août 1769

Lettre de Charles à Letizia Bonaparte,
Ajaccio

Chère épouse,

Ainsi donc, tu me fais encore le bonheur d’un garçon ! Il me tarde de voir sa frimousse. Son prénom ? Hélas, tu sais que j’ai juré à mon arrière-grand-oncle sur son lit de mort qu’un de mes fils s’appellerait comme lui. Je n’ai pas eu le courage d’infliger ce nom grotesque à notre aîné, qui s’appelle Joseph, grâce à Dieu. Mais aujourd’hui, je ne peux plus me dérober à mon serment. Si nous n’avions plus de fils, je mourrais parjure, ce qui est une infamie pour un Corse. Ce petit dernier s’appellera donc “Napoléon”. Le pauvre, j’ai honte pour lui, espérons qu’il surmontera ce handicap et prions Dieu qu’on ne le surnomme jamais comme son grand-oncle : Napoléon tête de con.

Courage. Je t’envoie toute mon affection.

CHARLES BONAPARTE

 

*

Versailles, mai 1774

Lettre de Louis XV à M. le Dauphin

Monsieur notre petit-fils,

La toux nous emporte chaque jour un peu plus. Il m’étonnerait que nous passions l’été. Je vous lègue la France et ma commode. J’ai imprimé mon style à l’une comme à l’autre. Si vous n’êtes pas l’imbécile que l’on dit, tâchez de sauver la première de la ruine en vendant des copies de la seconde. Souvenez-vous qu’au point où nous en sommes, à part les antiquaires, nous ne voyons pas qui peut nous sauver.

Soyez l’ébéniste salvateur dont le pays a besoin.

LOUIS XV

 

Versailles, mai 1774

Lettre du Dauphin
à Sa Majesté le roi Louis XV

Sire,

J’ai bien reçu la France et votre commode. La première est incompréhensible et la seconde fermée. Il ne me reste plus qu’à fabriquer des clefs. Merci quand même.

LOUIS FUTUR XVI

 

*

Paris, le 17 décembre 1785

Lettre du docteur Guillotin
à M. Coron de Beaumarchais

Monsieur,

Figaro-ci ! Figaro-là ! Votre coiffeur est sur toutes les bouches. Il triomphe. Paris l’adore. Insatiable gourmand, le public vous redemandera encore de ce barbier. Au cas où cela vous intéresserait pour une prochaine pièce, votre Figaro m’a donné l’idée d’une nouvelle machine à couper les cheveux.

Je reste à votre disposition pour vous en parler.

DR GUILLOTIN

 

Paris, le 20 décembre 1785

Lettre de Beaumarchais
au docteur Guillotin à Paris

Docteur,

Apportez-moi votre machine, on ne sait jamais, c’est peut-être le début d’une nouvelle histoire qui pourrait amuser les gens.

Votre obligé,

BEAUMARCHAIS

 

*

Paris, le 13 mai 1782

Lettre de Danton
à M. Riqueti, comte de Mirabeau

Bon sang, Mirabeau, presse-toi ! Nous avons à travailler encore à nos idées, sinon elles ne seront jamais prêtes pour 89 ! Le jeudi 15 est férié. Je t’attends vendredi.

DANTON

 

Paris, le 14 mai 1782

Lettre de Mirabeau à MDanton,
avocat à Paris

Désolé, Georges. Je ne viendrai pas travailler vendredi. Je suis épuisé.

Je fais le pont,

MIRABEAU

 

*

Annonay, le 8 novembre 1783

Lettre de Joseph Montgolfier
à Étienne Montgolfier, à Paris

De l’air chaud, Étienne ! Juste de l’air chaud !

Et ce putain de ballon s’est envolé ! On avait bien besoin de se casser la tête !

Ton frère,

JOSEPH MONTGOLFIER

 

Paris, le 15 novembre 1783

Lettre d’Étienne Montgolfier
à Joseph Montgolfier, à Annonay

De l’air chaud ? Je n’en reviens pas ! Dis donc, et si on mettait tout bêtement de l’eau chaude dans le café ? Qu’est-ce qu’on risque ?

Ton frère,

ÉTIENNE MONTGOLFIER

 

*

Le Petit Trianon, le 15 avril 1784

Lettre de la reine Marie-Antoinette
à Son Excellence le cardinal de Rohan

Monsieur le cardinal,

Voici une nouvelle qui va faire plaisir au pieux prélat que vous êtes. Hier, en nettoyant ma ferme avec la comtesse de La Motte, j’ai constaté que plusieurs de mes lapins étaient fort catholiques : figurez-vous qu’ils font leurs crottes en chapelet !

Je ne désespère donc pas que vous trouviez enfin l’animal très royaliste qui les fasse en collier.

J’ai un bal mercredi, dépêchez-vous !

MARIE-ANTOINETTE

PS. : Rappelez-vous que je considère toute crotte en dessous de 10 carats comme de la merde.

 

Paris, le 17 avril 1784

Lettre du cardinal de Rohan
à Sa Majesté la reine Marie-Antoinette

Majesté,

J’ai trouvé l’animal. Il se nomme M. Cagliostro, c’est un bel étalon italien. Regardez dans sa culotte, il a de magnifiques bijoux qui, je l’espère, vous réjouiront.

Votre toujours respectueux,

CARDINAL DE ROHAN

 

*

Paris, le 5 août 1785

Lettre de Brillat-Savarin à M. Parmentier,
apothicaire major de l’hôtel des Invalides

Monsieur l’apothicaire,

J’ai bien reçu la plante solanacée aux tubercules imposants que vous avez rapportée du Hanovre et dont vous me dites tenter la culture dans la plaine des Sablons, à Neuilly. Vous m’avez demandé de la goûter, malgré son aspect peu avenant, je l’ai fait. Vous réclamez mon avis, le voici : froid, c’est immangeable, chaud c’est passable, frit cela donne quelques joies au palais.

Votre serviteur,

BRILLAT-SAVARIN

 

Neuilly, le 8 août 1785

Lettre de Parmentier à M. Brillat-Savarin,
prince du goût à Paris

Monsieur,

Je vous remercie de la sollicitude empressée avec laquelle vous avez répondu à ma requête. Hélas, je viens de m’apercevoir que mes gens ont une fois de plus été distraits, ce n’est pas ma “pomme de terre” qu’ils vous ont portée, mais le crottin de mon cheval avec lequel je travaille sur les champignons. Mille pardons. Je joins à ce pli trois tubercules qui répareront agréablement, je l’espère, cette regrettable erreur.

Bon appétit !

Très admirativement vôtre,

PARMENTIER

 

*

Bonnieux, le 15 septembre 1786

Lettre du marquis de Sade à Justine, Gap

Chère enfant,

Vous me dites que je prends plaisir à vous faire du mal. Détrompez-vous, Justine, je ne fais que répondre à ce que demande votre physionomie. Est-ce ma faute si vous avez une tête à claques, des fesses à claques, des seins à claques, des jambes, un dos, des pieds, un sexe à claques ?

Je gifle encore une fois votre bêtise à claques.

DONATIEN ALPHONSE FRANÇOIS,
marquis de Sade

 

Gap, le 20 septembre 1786

Lettre de Justine à M. le marquis de Sade,
Bonnieux

Encore !

JUSTINE

 

*

Le 3 mai 1789

Lettre de Robespierre à Marie-Antoinette

Ma douce, ma belle, mon charmant cœur, êtes-vous souffrante ? Je suis affreusement inquiet de ne vous avoir point vue hier soir à minuit dans le buisson d’aubépines où nous avions rendez-vous, derrière le Petit Trianon. Je vous ai attendue jusqu’à l’aube, ma chère aimée, envoyant maintes fois mon valet Marat au bout de la pelouse regarder si vous n’étiez pas tombée dans le bassin de Neptune. Fort heureusement, vous n’y étiez pas.

Reine de ma vie, apaisez vite le tourment qui me ronge : êtes-vous souffrante ou me suis-je trompé de buisson d’aubépines ?

Celui qui vous adore,

MAXIMILIEN

 

Le 5 mai 1789

Lettre de Marie-Antoinette à Robespierre

Mon bien tendre amant,

Hélas, je ne souffre d’aucune altération de santé et vous étiez bien l’autre nuit dans l’aubépine que nous avions fixée. La vérité, Robie, mon cher amour, est que je ne suis pas venue et que je ne viendrai plus vous rejoindre dans ce riant arbuste qui nous a vus tant de fois nous ébattre de si charmante façon.

Louis se doute de quelque chose, Robie : depuis trois jours, il ne finit pas son gigot à midi, il forge mal ses clefs et, par deux fois, hier, il a fermé son gilet de soie grise en boutonnant mardi avec mercredi. Il est préoccupé, Robie ! Mon sang s’est glacé à l’idée que le roi apprenne… Il est si fragile… Il deviendrait fou…

Ayez pitié de moi, mon cher amant ; vous écrire m’a coûté toute ma force et mes larmes sont épuisées, tant j’en ai versé. Ne m’écrivez plus, Robie, et ne cherchez plus à me voir. Si vous me méprisez trop pour m’accorder cette cruelle faveur, obéissez-moi au moins pour votre roi.

Adieu, lumière de mon âme, adieu Cupidon. Aimez-moi en ne m’aimant plus.

Votre éplorée,

MARIE-ANTOINETTE

 

Le 10 juin 1789

Lettre de Robespierre à Marie-Antoinette

Cher amour,

La fièvre me torture et me retient couché depuis votre dernière lettre, qui m’a ôté la vie presque tout entière. Je consacre mes dernières forces à vous écrire. Marie-Antoinette, ma douce adorée, sauvez-moi. Revoyons-nous une dernière fois. Si le buisson d’aubépines est devenu trop dangereux, que diriez-vous des glaïeuls à côté du parc aux Cerfs ? Dites l’heure qu’il vous plaira à mon fidèle Marat qui vous porte cette lettre.

Votre presque consumé,

MAXIMILIEN

 

Le 11 juin 1789

Lettre de Marie-Antoinette à Robespierre

Dois-je vous l’avouer ? J’ai bien eu de la peine ce matin à traire mes brebis, tant votre dernière lettre m’a bouleversé les sens. Ah, cruel Maximilien ! Ce parterre de glaïeuls que vous me proposez m’a si fort échauffé le sang que j’en suis devenue rouge jusque devant le roi qui l’a remarqué et m’a dit : “Madame, vous êtes bien vermillonne pour la saison.” Oh, le fin monarque ! Son allusion montre qu’il n’est pas dupe. Cessons tout, encore une fois, mon ami. J’ai peur que notre dangereuse liaison ne provoque un désastre que nous sommes bien loin de vouloir, vous et moi. Comprenez que je suis reine avant que d’être femme.

À jamais, mon doux… Guérissez et vivez pour m’aimer en ne m’aimant plus.

MARIE-ANTOINETTE

 

Le 10 juillet 1789

Lettre de Robespierre à Marie-Antoinette

Ma vie,

Voilà dix lettres que je vous envoie depuis le quinzième jour de juin et aucune n’a reçu de réponse. Mais aujourd’hui, la fureur fait place à l’abattement ; est-ce l’effet des petites pilules que m’a données Lavoisier ou simplement le bon droit de la nature qui s’exprime enfin ? Toujours est-il, Madame, que, devant tant d’injustice, je me révolte !

Ouvrez les yeux, mon cœur, et regardez combien votre condition est contraire aux lois de la raison.

Vous êtes soumise au roi que vous n’aimez pas, par le seul fait qu’il est roi ! C’est injuste, Madame ! Que vous ne puissiez vivre votre vie de femme et laisser s’épanouir vos sens par le seul fait que la monarchie absolue ne le veut pas, c’est injuste, Madame ! Et qu’enfin un homme doive, sans rien dire, accepter de mourir d’amour pour la seule raison que son rival est le roi, c’est injuste, Madame ! Oui, par trop injuste. Je me révolte !

Soyons libres, Marie-Antoinette, aimons-nous au grand jour, ma bien chère aimée. Soyez à l’Auberge des Cordeliers, juste en face de la Bastille, lundi prochain 14 juillet à 9 heures de la matinée, je vous attendrai. Venez, cher amour, libérez-vous des chaînes de ce tyran. Vive l’amour, vive la liberté !

Votre

MAXIMILIEN

 

Message écrit à la hâte sur un éventail le 15 juillet 1789 par Marie-Antoinette, et porté à Robespierre le jour même par un serviteur de la reine

Fou ! Fou ! Fou que vous êtes, Robie ! Je pensais que vous alliez vous engager dans la légion corse comme tous ceux qui ont voulu m’oublier, mais prendre la Bastille avec cette bande de sans-culottes, vous déraisonnez !

Cette fois, Louis ne cache plus son trouble. La prise de la Bastille lui a définitivement mis la puce à l’oreille… Il se doute que c’est vous… Fuyez, Maximilien, fuyez… J’ai peur… Le roi est saisi de fureur. Il tourne en rond dans sa chambre. Je crains que Louis ne soit plus maître de lui et qu’il en arrive à perdre la tête…

Adieu pour toujours, Maximilien.

MARIE-ANTOINETTE

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